Voici une conférence de Sara Lazar qui démontre que la méditation pleine conscience transforme la matière grise du cerveau.
Selon les travaux de Mme Lazar, cette forme précise de méditation modifierait la quantité de matière grise de certaines régions bien précises du cerveau, et ce, en seulement 8 semaines.
Ces transformations du cerveau se traduiraient notamment par une diminution du stress, une amélioration du bien-être et une meilleure mémoire. Le yoga, qui est aussi une forme de méditation pleine conscience, apporterait les mêmes bénéfices.
Sara Lazar est chercheuse en psychiatrie au Massachusetts General Hospital et professeure adjointe en psychologie au Harvard Medical School. Elle étudie notamment l’impact de la méditation sur diverses fonctions cognitives et comportementales. La conférence est en anglais (sous-titres disponibles). Voici les grandes lignes des résultats de recherches présentés par la conférencière.
Augmentation de la matière grise du cortex préfrontal
Dans une première étude, Mme Lazar et son équipe ont démontré que les personnes qui méditent régulièrement possèdent plus de matière grise dans plusieurs régions du cerveau, notamment au niveau du cortex préfrontal.
De plus, les recherches de Mme Lazar démontrent également que, chez les adeptes de méditation, la matière grise du cortex préfrontal semble demeurer intacte avec l’âge. Ainsi, les participants âgés de 50 ou 60 ans qui méditaient régulièrement possédaient un cortex préfrontal aussi développé que les jeunes participants de 25 ans.
Ceci est particulièrement étonnant, puisque la science a longtemps tenu pour acquis que la matière grise du cerveau diminuait nécessairement avec l’âge. En effet, chez les participants qui ne méditaient pas, le cortex préfrontal des gens âgés de 50 ou 60 ans était plus petit que celui des plus jeunes.
Alors que la taille du cortex préfrontal diminue habituellement avec l’âge, le groupe avec méditation semble protégé contre ces pertes cognitives. Cette découverte est importante puisque le cortex préfrontal est déterminant pour les fonctions cognitives supérieures (notamment le langage, la mémoire de travail, le raisonnement, la planification, l’organisation, l’élaboration de stratégies, l’attention aux détails, la gestion du temps et de l’espace, etc.)1.
L’auteure en conclut qu’en préservant la matière grise de cette région du cerveau, la méditation pleine conscience pourrait donc réduire les pertes de mémoire et de capacités cognitives liées au vieillissement.
La méditation transforme aussi le cerveau des débutants
Alors que la première étude citée par Sara Lazar porte sur des personnes qui méditent régulièrement, la seconde se concentre sur des personnes n’ayant jamais médité de leur vie. C’est à mon avis l’étude la plus spectaculaire, car elle démontre hors de tout doute que c’est la méditation elle-même qui provoque ces changements au cerveau et non d’autres facteurs liés au mode de vie des gens qui méditent régulièrement.
Par exemple, on pourrait présumer que les adeptes de méditation ou de yoga ont de meilleures habitudes de vie la moyenne des gens. On pourrait ainsi penser qu’ils sont peut-être davantage végétariens ou qu’ils fument moins, boivent moins d’alcool, font plus de sport ou prennent davantage soin d’eux-mêmes d’une manière ou d’une autre. En recrutant des participants qui n’ont jamais médité ou pratiqué de yoga de leur vie, on isole mieux l’impact réel de ces pratiques.
Cette étude est aussi particulièrement intéressante, car elle met en lumière d’autres bénéfices comme la gestion du stress et la régulation des émotions. De plus, elle démontre que nous n’avons pas à méditer toute une vie pour en retirer les bénéfices. En fait, les résultats étaient observables dans le cerveau des participants après seulement 8 semaines.
Pour cette seconde étude, l’équipe de Sara Lazar a recruté des participants qui n’avaient jamais médité de leur vie et les ont divisés en deux groupes: un premier devait méditer de 30 à 40 minutes par jour alors que le second ne méditerait pas. À l’aide d’imagerie médicale, les chercheurs ont mesuré la matière grise du cerveau de tous les participants avant et après ces 8 semaines d’étude. Les résultats sont impressionnants.
Réduction du stress et de la matière grise de l’amygdale
D’abord, cette 2e étude démontre qu’en seulement 8 semaines, la méditation peut réduire la matière grise de la région de l’amygdale (à ne pas confondre avec LES amygdales, situées dans la gorge). Ici, une diminution de matière grise est une bonne chose, puisque cette partie du cerveau jouerait un rôle important dans la réponse de peur, d’anxiété et même de syndrome de stress post-traumatique2.
En fait, cette zone du cerveau serait notamment responsable de la réponse de « combat ou de fuite » face aux menaces perçues (fight or flight). Si vous ne savez pas ce qu’est la réponse de « combat ou de fuite », demandez à quelqu’un qui a déjà vécu une attaque de panique de vous l’expliquer. Pour faire court, il s’agit d’une période d’alerte maximale du système nerveux, un stress intense où tous les sens sont en alerte et où une personne (ou un animal) ne pense qu’à une chose : sauver sa peau. Lorsqu’elle se déclenche devant un danger immédiat, cette alerte maximale est très utile.
Cependant, il arrive que l’accumulation de stress chronique (travail stressant, relations difficiles avec des proches ou des collègues, situation économique difficile, maladie, anxiété, etc.) déclenche de fausses alertes du système nerveux. Ces fausses alertes sont aussi appelées « attaques » ou « crises » de panique.
Comme l’amygdale est la région du cerveau responsable de cette réponse d’alerte, le fait de la réduire pourrait contribuer à diminuer ces attaques de paniques. À titre d’exemple, il a été démontré qu’un animal chez qui l’amygdale avait été réduite éprouvait moins d’anxiété et dormait mieux que celui dont l’amygdale était intacte3.
Or, les travaux de Sara Lazar ont démontré qu’après seulement 8 semaines de méditation, l’amygdale des participants avait perdu de la matière grise. Fait tout aussi intéressant, plus l’amygdale avait rétréci, plus les participants se sentaient détendus. Chez les participants qui ne méditaient pas, l’amygdale était demeurée inchangée.
Augmentation de la matière grise dans l’hippocampe gauche du cerveau
Les travaux de Sara Lazar ont aussi relevé une augmentation de la matière grise dans l’hippocampe gauche du cerveau des participants ayant médité régulièrement durant les 8 semaines de l’étude. Ici encore, l’hippocampe gauche était demeuré inchangé chez les participants qui n’avaient pas médité.
Selon la chercheuse, cette augmentation de matière grise est importante puisque l’hippocampe gauche jouerait un rôle dans l’apprentissage, la mémoire et la régulation des émotions.
Augmentation de la matière grise du carrefour temporo-pariétal
Finalement, la conférencière met en évidence une augmentation de la matière grise du carrefour temporo-pariétal chez les participants ayant médité régulièrement au cours des 8 semaines de l’étude. Le groupe contrôle (qui ne méditait pas) a plutôt subi une légère perte de matière grise dans cette même région du cerveau. Le carrefour temporo-pariétal jouerait un rôle important dans la capacité à mettre les choses en perspective, à éprouver de l’empathie et de la compassion.
La méditation pleine conscience peut changer votre cerveau
Mme Lazar en conclut que « la méditation peut littéralement changer votre cerveau ». Soulignons que les changements observés par son équipe de recherche sont survenus en seulement 8 semaines et alors que l’environnement des participants demeurait inchangé. En effet, ces personnes occupaient toujours le même emploi et devaient composer avec les mêmes défis personnels et économiques qu’auparavant. Le seul changement notable était l’intégration de la méditation pleine conscience ou du yoga, qui est aussi une forme de méditation pleine conscience.
Pour résumer, au cours de ces 8 semaines, le groupe ayant médité régulièrement a connu une diminution de matière grise dans la région de l’amygdale (associée à la peur), ce qui se traduisait par une diminution du stress. Du même coup, ce groupe a connu une augmentation de matière grise dans l’hippocampe gauche (associé à la régulation des émotions, à la mémoire et à l’apprentissage) et dans le carrefour temporo-pariétal (associé à l’empathie, à la compassion et à la capacité à mettre les choses en perspective). Non seulement les participants se sentaient plus détendus et de meilleure humeur, mais les chercheurs pouvaient littéralement voir, dans la structure même de leur cerveau, pourquoi ils se sentaient mieux.
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